PRIX DES AUTEURS INCONNUS 2024 / ROMANCE : TU N'ÉTAIS PAS PRÉVU / ELISA ALBERTE

 


Une romance savoureuse et très agréable à lire, aux personnages réalistes, hauts en couleurs et touchants, racontant une jolie histoire d'amour qui reprend à son compte des tropes élimées et leur redonne un petit coup de jeune bien senti. Réjouissant et pétillant !

!! cette chronique contient des spoilers !! 


LE RESUMÉ

Certains vivent à 100 à l'heure, Izïa, elle, vit plutôt à 200 à l'heure. Stagiaire dans un cabinet d'avocats, cette année est la sienne : elle va bientôt passer son brevet, et enfin mettre un point final à des années de préparation pour cette vie qu'elle s'est rêvée. Carburant aux boissons énergisantes pour compenser un rythme qui ne lui laisse aucun répit, et au soutien de ses colocataires, Will et Astrid, elle est de toutes les affaires et de toutes les demandes de ses employeurs, au détriment de sa vie privée. Un jour, elle manque de se faire renverser par Maelo, son exact opposé, qui se trouve être le meilleur ami du petit copain d'Astrid. En plus d'être léger et de prendre la vie du bon côté, l'agaçant jeune homme commence à faire partie de son cercle de connaissances, puis d'amis, jusqu'à ce que sa légèreté ne finisse par déteindre sur elle. N'est-elle pas tout simplement en train de passer à côté des beaux moments de la vie en s'astreignant à ce quotidien implacable ? En acceptant de baisser la garde, Izïa découvre en Maelo bien plus que cet énergumène inconséquent, et que la vie n'est peut-être pas faite pour être dénuée de surprises...


LA CHRONIQUE

Au carrefour entre un bit lit efficace, une enemies to lovers savoureux, une comédie dramatique sur l'amitié, et une romance enflammée, Tu N'étais Pas Prévu propose un récit fluide, bien écrit, enlevé, drôle sans jamais être lourd, et qui raconte une histoire qui évolue de façon organique et réaliste, jalonné de personnages bien construits et auxquels on s'identifie rapidement. Les situations sont parfois légères et enlevées, et parfois plus dures et profondes, proposant ainsi une lecture honnête de ce que grandir signifie, avec le lot de choix, de changements, de rôles parfois ingrats remplis pour construire un parcours professionnel, et des trésors de l'amitié en cas de coups durs. Elisa parvient très facilement à créer des situations savoureuses, parfois même jubilatoires, qui rendent la découverte du lecteur excitante et pleine de surprises. D'un bout à l'autre, on établit le contact avec des protagonistes qui nous entraînent entre les lignes dans l'univers crée par l'autrice. 

Reprenant à son compte un des tropes les plus élimés de la littérature romantique moderne, le enemies to lovers, Elisa parvient à ne pas tomber dans tous les pièges du genre grâce à une évolution linéaire et régulière de ses personnages. S'il est facile de voir les différences entre Izïa et Maelo depuis cette rencontre un peu brutale, petit à petit, et de façon très nuancée, l'autrice rapproche ses personnages en les autorisant à découvrir progressivement l'autre, et en faisant de Maelo un vecteur de créativité qui manque dans l'existence de la jeune femme. Ainsi, le roman avance tout seul, en dessinant les deux lignes de vies des protagonistes avec le projet évident de les faire se croiser. Mais, lorsque cela arrive, on ne passe pas d'un extrême à l'autre, Elisa protège l'axe de progression des deux jeunes gens, et jamais on ne se retrouve dans une situation poussée, voire incohérente. Tout est structuré avec précision, et propose un vrai portrait touchant de ce qui fait succomber les personnages. 

Fait suffisamment rare pour le préciser, Elisa Alberte offre au lecteur des vraies scènes sensuelles et d'amour physique qui sont dans la même lancée que tout le roman : très bien construites, sans vulgarité, ni performances dignes d'un film pour adultes. La façon dont les personnages finissent par se laisser happer par la fièvre et le désir est enivrante, et les éléments du roman qui se penchent sur ce rapprochement des corps sont parmi les plus réussis, laissant le lecteur haletant et frissonnant. Grâce à des champs lexicaux variés et imagés, et une envie de construire ces passages sur des fondations riches en émotions, ce n'est jamais ni répétitif, ni gênant, ni maladroit. 

En parallèle à la romance, Elisa Alberte fait un portrait énergique et touchant de jeunes gens bien dans leurs temps, sans épargner au lecteur les vicissitudes de la vie de jeune adulte, que ce soit par les parents et grand-parents vieillissants, par ce qu'on est susceptible d'accepter en tant que stagiaire, par les difficultés à conjuguer vie professionnelle et vie privée, par les conditions par lesquelles on trouve une hygiène de vie acceptable. Les personnages principaux sont tous auréolés d'histoires qui ont connu des difficultés, les rendant très vite dignes d'empathie, mais ils ont aussi des défauts notables qui permettent d'en faire des protagonistes riches et denses. 

Elisa ne va d'ailleurs pas hésiter à leur faire faire des choix qui vont pousser le lecteur à être en désaccord avec Izïa et Maelo. Lui a tendance à être un cœur d'artichaut qui s'éloigne farouchement de tout engagement, quitte à manquer de sérieux, et elle va parfois faire preuve d'une extrême dureté, quitte à être injuste. Mal gérés, ces éléments peuvent plomber un roman, mais ici, Elisa s'en sert pour montrer des gens capables de rédemption, de demander et de recevoir des excuses, et d'évolution. On n'en veut jamais vraiment ni à Maelo, ni à Iz, parce qu'ils restent bien assez ouverts pour accepter leurs erreurs et tenter de les corriger. 

Fait commun chez l'autrice, de nombreux thèmes sous-jacents s'insèrent dans le roman, et enrichissent le propos premier. Elisa soulève la question des coups durs qui peuvent en fait être occasion de se réinventer, elle pointe du doigt les conditions de travail des stagiaires, elle souligne les enfants qui souvent grandissent trop vite lorsque les parents connaissent des difficultés et les font reposer sur leur progéniture, mais elle place aussi certains marqueurs forts de la société, comme l'homophobie rampante ou le regard sur le corps des femmes. Ainsi, jamais nous ne progressons dans un roman plat ou vide, Elisa Alberte nous emmenant au gré des situations avec force et fluidité. 

Dans cet ensemble, l'autrice trouve aussi la place d'imposer de belles histoires d'amitié, des moments de fête et de voyages touchants et qui donnent un vrai vent de fraîcheur tant au quotidien d'Iz qu'au nôtre, capturant les trésors de la jeunesse. Ces rares instants encore innocents s'étiolent au fur et à mesure que l'échéance du brevet arrive, embrassant ce passage étrange et parfois compliqué de la vie d'adulescent à celui d'adulte fonctionnel. 

Pour conclure, voici un roman très appréciable, parfois léger et tendre sans être naïf, parfois profond et touchant sans être lourd, toujours agréable à lire et riche de beaucoup de jolies surprises. On se prend à rêver encore de la vie de Izïa et Maelo longtemps après le mot fin !

LA NOTE



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