PRIX DES AUTEURS INCONNUS 2024 / LITTERATURE BLANCHE : UN HEUREUX SOUVENIR / LISE VAUBAN

 


Un roman inégal, souvent touchant, parfois bouleversant, sur la quête de vérité et d'apaisement qui suit un deuil brutal. 

!!  cette chronique contient des spoilers !!

LE RÉSUMÉ

C'est le coup de téléphone que personne ne veut recevoir : Léa apprend un soir que son frère, avec lequel le contact a été rompu, a eu un très grave accident de moto et que ses jours sont en danger. Arrivée sur place trop tard, elle se retrouve face à l'agressivité de sa mère, l'incompréhension de son père, et une montagne de questions quant à la vie de Tom ces dernières années. A force de recherches, elle comprend que celui-ci s'était exilé en Afrique, et qu'il était sur le point de devenir papa. Il lui faut partir à l'aventure elle-même, et remonter le fil de la vie de son frère pour tenter de l'honorer et, peut-être, de se pardonner les erreurs du passé...

LA CHRONIQUE 

Le cœur même d'Un Heureux Souvenir repose sur les premiers chapitres, qui tranchent par rapport au reste du roman. La première partie capture de façon froide, presque mécanique, le choc de l'accident de Tom et l'impact que cela a sur Léa, le personnage principal. Ici et là, des touches d'émotion, notamment par la présence des infirmières, viennent créer un effet poignant pour le lecteur, qui se détache de la stupeur de Léa pour prendre conscience de l'impact de l'état désespéré de Tom. 

Les non-dits, et les secrets de famille sont présents presque immédiatement, par la tension entre Léa et sa mère. Tout au long du roman, et malgré le deuil de son fils qui peut expliquer bien des choses, il est difficile de s'attacher à ce personnage, tant son comportement envers sa fille semble gratuit et brutal. A contrario, la relation entre l'héroïne et son père est bien plus touchante et permet de rééquilibrer la sensation d'oppression ressentie entre Léa et sa mère. L'évolution finale de cette relation est abrupte, et ne permet pas vraiment de ressentir une vraie résolution dans celle-ci. 

L'enquête menée par Léa après la disparition de son frère donne l'impression qu'elle n'a pas vraiment besoin de pousser sa quête, et que les réponses lui arrivent rapidement, pour amorcer le voyage de Léa. De façon générale, on ressent régulièrement que des idées ne sont pas exploitées jusqu'au bout, comme par exemple quand elle ne réagit pas en public en voyant la photo de Tom, pourquoi elle cache sa vraie identité, ou bien encore par le début de relation avec Dani qui n'est perçue que comme un léger flirt, alors qu'il est un pivot dans sa mission. 

La mise en place parfois hasardeuse des chapitres peut parfois dérouter le lecteur, avec des allers et retours entre le présent et le passé qui ne sont pas forcément très bien articulés, ou la mise en avant de personnages en amont de leur rencontre avec Léa. On parvient assez rapidement à retrouver le fil du roman, mais ces moments de confusion alors que l'histoire est plutôt prenante peuvent dérouter. 

Grâce a l'effet de bascule émotionnelle entre la première et la seconde partie, on rentre très vite dans la quête presque identitaire et rédemptrice de Léa, et dans sa découverte d'un autre monde, et d'une façon de fonctionner qui n'a rien à voir avec la France métropolitaine auprès des malgaches et des volontaires. Il y a une vraie peinture vibrante et touchante faite par l'autrice du pays, des us et coutumes, et de la façon dont les enfants vivent, et les champs lexicaux des sens sont bien utilisés pour capturer les paysages et les restituer au lecteur. 

Le fond le plus bouleversant de l'histoire tient en ce que Tom laisse derrière lui, et que Léa prend progressivement sous son aile, en la personne de la petite Destinée, qui devient un trait d'union entre le frère perdu et la sœur coupable, et finit même par désamorcer les tensions entre toute la famille. En ce sens, la petite fille sert vraiment d'un catalyseur passé, présent et futur : elle a permis à Tom de trouver une paix qu'il n'avait pas connu, elle permet à Léa de réunir les pièces du puzzle de la vie de son frère, et elle projette les bonheurs futurs en devenant le cadeau de Tom. 

La fin est elle aussi jolie, et équilibrée, même si la lettre terminale reste un peu superflue. En effet, les apprentissages de Lea de la vie de son frère, des erreurs faites et des siennes, personnelles, et la rédemption générale trouvée au fur et à mesure du roman n'a pas forcément besoin de redite, mais elle reste une façon élégante et satisfaisante de conclure. 

Pour résumer, voici un joli roman qui donne envie de voyager, de partir à la rencontre de soi-même, et surtout, de ne pas laisser des non-dits risquer d'être la dernière chose échangée avec une personne aimée.

LA NOTE



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