CHRONIQUE : L'INTÉRIMAIRE / THIERRY BRENNER

 Une pièce déjantée, façon vaudeville de boulevard, qui tape souvent sous la ceinture et assume toutes ses idées farfelues dans un rythme TGV sous acide.

Quand Thomas, intermittent du spectacle en mal de travail, est envoyé chez les Verteuil, des bourgeois sur la paille, il ne s'imagine pas devoir jouer le, ou plutôt les rôles de sa vie et passer une journée qui va lui en faire voir de toutes les couleurs...

Quiconque connaît Thierry Brenner sait qu'il faut toujours prendre une grande goulée d'oxygène avant de commencer à le lire : ses romans vont vite, très vite, et ne laissent jamais passer l'occasion de rebondir sur un jeu de mot. L'auteur maîtrise les humours dans toutes ses formes et n'hésitera pas à s'en servir !  Ici, même si la forme change au profit d'une pièce de théâtre, le fond de commerce de Thierry ne change pas, avec, en plus, un démolissage en règle du quatrième mur. De l'audace et du rire, voici les deux maîtres mots de cette pièce totalement déjantée. 
Dès la scène d'exposition, on comprend que l'esprit un peu potache et ultra affuté de Thierry est bien présent, avec ce couple tout droit sorti d'un Vaudeville qui chipote et se dispute pour préserver les illusions d'un train de vie sur le déclin. On sent, derrière la couche d'humour parfois un peu gras et souvent en dessous de la ceinture, une petite critique d'une certaine bourgeoisie prête à toutes les bassesses pour briller encore un peu. Il ressort très vite des premières scènes que la pièce est un hybride des genres populaires du boulevard, rappelant aisément les grandes heures des premières télédiffusions de théâtre des années 60 et 70. Il y a une vraie célébration d'une nostalgie de ces œuvres dont le but premier était d'établir par le rire une vraie connexion avec le public. 
Dans l'écriture et le style de Thierry, on retrouve des références qui viennent de partout, et surtout de la culture pop. Il ne rechigne pas à dénicher matière à rire de tout, partout et tout le temps, au rythme effréné de quinze trouvailles par page, ne laissant pas le temps au lecteur (et spectateur) de reprendre son souffle. La plupart du temps, c'est très efficace, et on rit de bon cœur, mais parfois, un petit temps pour poser l'intrigue pourrait rendre l'histoire un peu plus claire. On comprend le trafic de (plus ou moins) faux tableaux et la quête d'associé, ainsi que les rebondissements qui vont avec, cependant, de gros éléments narratifs sont parfois presque passés sous le tapis au profit de l'humour et des calembours. Ce n'est pas vraiment un soucis, l'ensemble est tout à fait lisible, plutôt un petit regret personnel. 
Un des aspects les plus épatants et les plus réussis de la pièce repose dans le fait que Thierry a clairement écrit un texte destiné au public, et en gardant celui-ci à l'esprit. Il y a de nombreuses adresses directement pour les gens dans la salle, et plusieurs fois dans le déroulé des scènes, le spectateur est pris à parti, témoin voire complice des péripéties parfois rocambolesques. Ce texte demande aussi, c'est évident, un engagement très fort de la part d'acteurs potentiels, qui doivent, en plus de tenir le verbe rapide, gérer l'inclusion de la comédie physique. Derrière une façade de relative facilité, il se cache en fait un texte travaillé et qui ne peut que demander un vrai travail pour en faire une mise en scène efficace. 
Petit regret personnel, une partie de l'humour de la pièce repose sur du très en dessous de la ceinture, et j'ai trouvé que la facilité de ces passages amoindrissait un peu l'efficacité de toutes les vraies répliques qui brillaient par une inventivité et une rapidité d'esprit hors paire. Il y a tellement de petites phrases qui tiennent du génie de Pierre Dac ou de Raymond Devos que c'est dommage de ternir un peu leur écrin par des éléments plus grossiers. Connaissant le style, la patte et la personnalité de Thierry, c'est presque comme mettre quelques gouttes d'eau du robinet dans un très bon vin. Mon ivresse de lectrice est un peu moindre, mais il y a tellement de moments qui m'ont fait sourire, voire franchement rire...Tant pis pour ceux-là ! 


Pour conclure, voici une pièce qui célèbre un certain théâtre passé avec une nostalgie plus jouissive que mélancolique, explose en mille jeux de mots avec l'audace de vouloir rendre le public presque acteurs, et s'égare ici et là dans des territoires qui visent l'entrejambe plus que le cerveau. Mais dans l'ensemble, plutôt un bon moment de lecture qui me laisse l'envie de la voir sur scène. 








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