Nous bousculons nos programmes pour ce communiqué urgent et capital de la part de la direction du café des autaires (elle est toute seule, mais chut) :
VOTRE IMPOSTEUR INTERNE EST UN CON (avec un tout petit QI), UN AIGRI DE LA VIE (qui n'aime ni les chiens, ni les chats, ni le chocolat), ET EN PLUS, IL PUE DES PIEDS (immédiatement après avoir pris une douche).
J'ai constaté, cette semaine, à plusieurs reprises, à quel point le syndrome de l'imposteur est répandu chez les autaires, et surtout, comme il peut être violent. Quand des gens brillants, des autaires fantastiques, avec une compréhension du monde, une vision de la vie, et une sagesse artistique si...Extraordinaires se retrouvent à douter parce qu'un concours les laisse de côté, parce qu'une ME n'a même pas pris le temps de les lire et détruit immédiatement leurs manuscrits, ou parce qu'un commentaire cinglant a été posté, ça me donne, moi, la non-violente pratiquante, des envies de faire des choses sanctionnées par la loi.
Mettons les choses au clair tout de suite: être autaire est incroyablement difficile. Et de temps en temps, il faut aussi que nous redescendions de notre petit nuage de créativité, d'histoires fascinantes et de personnages bouleversants. Quand on se retrouve avec les deux pieds bien sur terre, loin des merveilles de la littérature contemporaine, il faut bien admettre qu'écrire est incroyablement compliqué. Il faut de la discipline, du temps, de l'argent, de la résilience, un peu de folie, une ouverture d'esprit hors du commun, une sacrée dose de compétences numériques, un poignet qui tolère les pages de brouillon sans faiblir, de la patience, de la curiosité, de la passion, une force mentale digne de Superman, et assez de confiance en soi pour ne pas douter à chaque phrase. Si vous avez écrit une ligne, et une seule, vous rentrez déjà dans toutes ces cases. Et ce n'est que le début du procédé qui va mettre votre santé mentale à très, très rude épreuve...
C'est à ce moment-là que 99.9% d'entre nous vont avoir à affronter l'équivalent psychologique d'un croisement entre Thor, Terminator et Maximus : un truc ultra balèse, ultra fort, et ultra impossible à faire taire, et surtout, un truc dont le but premier est de vous convaincre que vous ne valez rien. C'est faux. Cette saleté, c'est le syndrome de l'imposteur.
Sans entrer dans le pire de la pathologie qui peut conduire à des psychoses ou a une dépression, voire des épisodes suicidaires, la base même de ce syndrome correspond à la petite voix qui vient pleuvoir sur votre petit rayonnement personnel.
Et ce ne sont que de petits exemples. Ces cas de figure se présentent constamment, dans toutes les situations, avec tous les moments de la vie d'autaire.
Alors, il est grand temps de prendre cet imbécile de taureau (valable pour
ce taureau uniquement, les autres sont plutôt cool, malgré cette passion incompréhensible pour la couleur rouge) par les cornes, et de lui faire comprendre...
Vous commencez à me connaître, ma grande passion dans la vie, ce sont les exemples concrets. A lire et à relire quand la petite voix aura besoin qu'on la remette à sa place (à savoir aux archives, au fond du grenier, dans une boîte insonorisée et fermée avec un cadenas). Et oui, je me suis dit qu'une petite Kaamelott party pour calmer les nerfs, ça ne pouvait pas faire de mal.
- PENDANT LA PHASE D'ÉCRITURE ET DE DÉVELOPPEMENT
Cas de figure numéro 1 : je fais des fôttes quand j'écris, je suis alors un mové écrivain
C'est pour ainsi dire la première trouille de l'écrivain, et une de celles qui persistent le plus longtemps, et avec le plus de force. Un tout petit pourcentage d'entre nous a confiance en ses compétences en orthographe, grammaire, conjugaison, et cet immense bordel qu'on appelle la langue française.
Et alors, on ne va pas se mentir, ce serait bien d'en faire partie. Mais malgré un cursus littéraire bien comme il faut à grand coup de Bescherelle dans la tronche, rien à faire, je vais continuer à me fâcher tout rouge avec ces foutus temps passés, ces saloperies de subjonctifs à la noix, et à ne jamais me souvenir de la règle d'utilisation de "leur".
Dans le passé, je traînais cet atroce boulet comme une honte, et puis je me suis rendue compte que mon cerveau, et le cerveau de beaucoup d'entres nous, n'est simplement pas capable d'enregistrer et de restituer des règles aussi archaïques à cette fréquence, et avec cette intensité. Acceptez-le. Les fautes font partie intégrante de nos vies. Et honnêtement, elles sont rassurantes. Elles prouvent le travail de réécriture, elles justifient les efforts d'amélioration, et elles permettent à nos amis les correcteurs proffesionnels professionels professionnels d'avoir du boulot malgré les outils modernes.
Embrassez vos fautes ! Assumez-les ! Elles ne sont pas la preuve irréfutable que vous ne valez rien en tant qu'autaire...Elles sont la seule indication de votre statut d'humain, et donc, faillible. La perfection est lisse, triste, sans rires, sans agacement, sans émotions. Nos fautes sont aussi là pour nous rendre meilleurs.
Cas de figure numéro 2 : je viens de relire mes écrits du jour, et ce n'est pas bon.
Et alors ?
Non, non, vraiment : et alors ?
Peut-être qu'aujourd'hui n'était pas vôtre jour. Aucune honte à ça. Si nous étions à 200% tous les jours...Ben ce serait pas drôle.
Peut-être que ce n'est pas votre écriture qui est à remettre en question, mais vos capacités de lecture et/ou de relecture. Quand on passe plusieurs fois sur un même passage, il arrive que celui-ci perde tous son sens, ou son importance. NE LES SUPPRIMEZ-PAS. Vous allez voir qu'en laissant passer un petit temps et en revenant dessus avec un esprit clair, vous allez vous trouver bien meilleurs que vous ne vous en pensiez capables.
Et peut-être que le passage n'est vraiment pas bon. Mais même dans un fragment de votre histoire moins bon que les autres, il va subsister quelque chose d'essentiel. Vous allez vous rendre compte qu'un personnage ne devrait pas y figurer, ou que l'action ne va pas dans la direction souhaitée, ou même que la direction ne vas pas dans la direction souhaitée. Dans votre travail de réécriture, ce sont ces passages qui vont faire toute la différence. Ils vont vous aider à vous remettre sur les rails souhaités. Répétez donc après moi : et alors ?
Cas de figure numéro 3 : il n'y a rien d'original dans ma façon d'écrire, mon histoire a déjà été racontée des dizaines de fois.
De tous les cas de figure possibles, je crois que c'est celui que je préfère parce qu'il
m'arrive tout le temps est le plus commun. Et il est tellement simple à démonter...
Vous avez tort. Et la raison est très simple : personne avant vous n'a raconté l'histoire comme vous allez la raconter. Voilà, ce n'est pas plus compliqué que cela.
Ce sont vos idées, vos perspectives, vos vérités, vos qualités et vos défauts, votre entière personnalité qui va transformer un sujet ultra élimé en expérience de lecture novatrice. Et qui va créer la connexion avec vos lectaires.
Vous racontez une romance lycéenne. Votre lectaire va chercher l'authenticité de votre plume et votre capacité à vous mettre dans la peau d'adolescents confrontés au monde d'aujourd'hui.
Vous racontez de l'horreur. Tout repose sur votre capacité à transmettre la peur et à installer le doute et la terreur dans la tête de votre lectorat.
Vous racontez un thriller. Cela va se jouer sur la façon dont l'enquête se mène, la manière dont les indices parlent, la révélation finale.
Ces éléments ne peuvent pas être répliqués exactement d'un autaire à l'autre. Les nuances sont uniques et nécessaires pour déconstruire et reconstruire le monde.
Et surtout : il n'existent pas deux auteurs capables de raconter la même histoire de la même façon. Ce n'est pas possible. A moins d'une coïncidence spectaculaire, mais si cela arrive...Vous aurez une chouette histoire à raconter !
Ne vous positionnez jamais comme autaires de réchauffé. Ce n'est jamais le cas. Vos idées sont destinées à trouver des lectaires, et elles le feront.
- PENDANT LES PHASES DE BÊTA LECTURE ET DE RÉÉCRITURE
Cas de figure numéro 4 : vous avez eu un retour très très tiède de la part d'une lecture Alpha ou Bêta.
Inutile de mentir, vous attendiez cela depuis longtemps, vous passiez votre temps à surveiller la boîte mail en croisant les doigts, et enfin, le retour tant espéré est là, et...Le lectaire n'es pas fan. Votre roman ne plaît pas aux Alpha ou aux Bêta. Les commentaires sont désincarnés, tièdes-au mieux-, et les remarques ont un arrière-goût de pas bon.
La toute première chose à faire, c'est vous autoriser la période de douleur. Libérez-vous un moment pour lire le compte-rendu, pleurer si le besoin s'en fait ressentir (pour la millionième fois : pleurer, c'est bien, ça fait sortir tout un tas d'hormones négatives et on se sent toujours mieux après), trouver un endroit où casser des trucs sans vous blesser ni blesser quelqu'un (cherchez les Rage Rooms où vous habitez, effets garantis), crier (de préférence dans un oreiller pour éviter en plus une prune pour tapage diurne), faire une grande balade pour vous aérer l'esprit. Ne ravalez pas ces émotions brutes. Elles feront tellement plus de mal ainsi. Laissez les sortir, laissez-vous considérer et vous lamenter, constatez comme vous vous sentez misérable, pour être certains que ce sentiment ne va pas perdurer.
On se sent mieux, hmm ? Super. C'est maintenant que le vrai boulot commence.
La toute première chose à faire, c'est d'observer les biais de votre lectaire. Sans remettre en cause la lecture qui a été faite, il se peut que votre lectaire vous informe dans son compte-rendu que votre genre n'est pas son truc, ou que votre approche ne leur parle pas. Et dans ce cas-là, ne vous auto-flagellez pas. Une rencontre entre un lectaire et un autaire n'est pas quelque chose qu'on peut improviser. Prenez les remarques qui vous ont été faites, mais gardez à l'esprit que si vous écrivez du bleu et que votre lectaire aime le rouge, vous ne pouviez pas gagner.
Ensuite, il faut détecter dans les rapports de lecture les éléments qui vont vous servir, quitte à demander des précisions à vos lectaires. Les problèmes détectés sont-ils liés aux personnages ? A l'histoire ? Aux rebondissements ? Est-ce un problème de language, de niveaux dans la façon de parler ?
Notez ces éléments. Même si ça pique, ce sont des informations capitales. C'est bien plus facile de travailler sur un retour négatif que sur un retour positif.
Cas de figure numéro 5 : je n'ai pas gagné un concours (peu importe son impact général), je ne vaux donc rien en tant qu'autaire.
Je suis moi-même jury d'un prix littéraire(
le meilleur, le plus ouvert, avec les meilleurs juges et la meilleure équipe du monde qui va pas tarder à annoncer sa cinquième édition)(objectivité zéro, mais 100% assumée), donc j'ai une forme de vision de l'intérieur, et encore que, la mienne est tout à fait particulière. Disons que dans le cas des Murmures, vous obtenez un retour complet sur plusieurs fiches de lectures qui peuvent sacrément vous aiguiller. Donc on est a mi-chemin entre le prix et la distribution à grande échelle de bêta lectures.
Mais la plupart des prix littéraires fonctionnent autrement. Dans certains cas, les récompenses reposent sur des votes, et c'est au plus populaire qui l'emporte. Le plus populaire n'est pas forcément le meilleur sur des critères objectifs. Rappelez-vous qu'une influence, cela s'achète, ça se monnaie et ça se négocie. Si vous n'avez pas obtenu une victoire qui dépend de ce genre de critères...Cela n'a littéralement rien à voir avec votre talent.
Certains autres prix ont des jurys internes, et on en revient au problème de la bêta-lecture, dans le cas où l'avis négatif est justifié. Mais parfois, vous ne faites pas partie des élus sans avoir la moindre explication. Et je sais très bien que souvent, les organisations de prix littéraires n'ont pas le temps ou n'ont pas assez de membres qui peuvent proposer ce genre de travail, ce n'est donc pas un commentaire de jugement sur la valeur de ces prix, au contraire, mais il me semble particulièrement injuste que les autaires prennent cette gifle en pleine tête et considèrent que c'est un commentaire sur la qualité du travail fourni. Et puis surtout, il faut garder à l'esprit que la valeur intrinsèque des échecs, c'est bel et bien de servir de rebond vers une victoire, qu'elle soit dans un autre concours, en atteignant une publication en ME(ou paaaas), ou simplement en faisant la paix avec votre voix intérieure.
Cas de figure numéro 6 : je ne suis un véritable autaire que si je suis publié
HAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA
Alors ça va peut-être faire débat, mais je m'en tamponne le coquillard. Etre autaire, c'est un contrat entre vous et votre oeuvre, qu'elle se limite à une nouvelle ou à mille romans de mille pages. C'est vous qui définissez qui vous êtes, et à un moment de votre parcours, vous allez vous prononcer cette phrase simple "je suis écrivain.e" et elle aura tout son sens. Personne, absolument personne ne peut le faire à votre place. Ni une maison d'édition, ni un prix littéraire de quelque sorte qu'il soit, ni un lectorat, ni une correction. C'est à vous de le savoir, et de le sentir. Ne laissez personne vous dire le contraire.
Pour conclure, gardez en tête que le monde dans lequel nous vivons est de plus en plus complexe, et de plus en plus noir, et que votre plume particulière, votre perception de l'univers, votre vision des choses est nécessaire. Ce qui fait sens, ce ne sont pas les revers, mais les moments hors du temps à discuter avec des gens avec qui vous avez créé un lien, ceux que vous allez aider à y voir plus clair, ceux à qui vous allez redonner un peu d'énergie et de sens, et peut-être même, récompense ultime, ceux dont vous allez changer la vie.
Allez, encore un café pour moi. Je vais finir par faire faillite, mais si il faut cela pour vous faire sourire, ça valait le coup.
Oouuhhh que c'est bon de lire cet article. Ça remet les pendules à l'heure. Merciiiii
RépondreSupprimerVoilà un article qui fait bon de lire et qui permet de mieux s'apprécier et de se réconcilier avec soi-même.
RépondreSupprimer